CAMÉRAMANS

Soins ostéopathique à apporter aux caméramans-reporter

Partie 1 de 2 : Portrait des caméramans-reporters: les risques méconnus

Par : Hugo Boivin, ostéopathe D.O.


Lorsque l'on pense aux risques du métier de caméraman, les images qui nous viennent à l'esprit sont souvent celles des caméramans couvrant des zones de conflits, exposés aux balles et aux explosions. Mais qu'en est-il des caméramans-reporters dans leurs affectations quotidiennes ? Les couvertures de manifestations, d'incendies, de scènes d'accidents de voiture ou de drames humains ? Les faits divers, les conférences de presse, et autres tâches de tournage qui peuvent sembler moins "glamour" mais qui ne sont pas dénuées de risques. Il est rare que l'on se soucie des répercussions que ces situations peuvent avoir sur les caméramans. Pourtant, les chiffres et les études montrent que leur métier n'est pas sans danger.

Les risques au quotidien

Emploi-Québec, l'organisme gouvernemental québécois, a classé le métier de caméraman avec un "facteur H8". Ce facteur désigne les lieux de travail intrinsèquement dangereux, exposant les travailleurs à un risque de blessure. Cela inclut les conditions de travail auxquelles sont confrontés les caméramans au quotidien, bien loin des zones de conflits.

Le regroupement Présanse, composé de professionnels en médecine du travail, a publié une fiche médico-professionnelle mettant en lumière les risques liés au métier de caméraman. Parmi ces risques figurent l'exiguïté des espaces de travail, les risques liés à la conduite routière, les chutes, les conditions climatiques, l'exposition à des niveaux sonores dépassant les normes réglementaires, et les dangers d'ordre sanitaire. En effet, les caméramans sont potentiellement exposés à des lésions traumatiques dues aux chutes, aux coups de soleil, aux coups de chaleur, aux engelures, et à bien d'autres "nuisances liées aux conditions spécifiques de tournage."

Des caractéristiques de travail exigeantes

Les caractéristiques du métier de caméraman-reporter incluent des conditions de travail exigeantes telles que le travail intermittent, les temps d'attente entre les tournages, les variations de la charge de travail, les dépassements fréquents des heures de travail, les horaires de nuit et de week-end, les déplacements avec des décalages horaires, et bien d'autres. Ces conditions engendrent des nuisances, notamment la précarité du statut (travaillant pour plusieurs employeurs), des perturbations dans la vie familiale et sociale en raison des horaires atypiques, des contraintes liées à la circulation routière, et des contraintes climatiques qui nécessitent une adaptation constante. Les tâches des caméramans, telles que la préparation des tournages et la réalisation de différents points de vue, augmentent leur charge mentale en raison des délais serrés, du port de charges, des postures contraignantes, et des longues périodes de station debout.

Effets à moyen et long terme sur la santé

Les effets sur la santé des caméramans-reporters sont variés et impactent à la fois leur santé physique et psychologique. Ils peuvent souffrir de troubles névrotiques, de troubles liés au stress, de troubles somatoformes, de troubles du sommeil et de la vigilance, de conduites addictives, d'épisodes dépressifs, de difficultés nutritionnelles, de maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques, d'hypertension, de lésions traumatiques, de troubles musculo-squelettiques des membres supérieurs et inférieurs, de lombalgie basse, de sciatique, de rachialgies dorso-lombaires, de signes fonctionnels d'insuffisance veineuse, et bien d'autres problèmes de santé.

Parallèles avec les techniciens du cinéma et de la télévision

Les conditions de travail des caméramans sont similaires à celles des techniciens du cinéma et de la télévision. Les longues journées de travail, les horaires atypiques, les statuts précaires, les heures passées en station debout et les postures contraignantes sont une réalité quotidienne pour ces professionnels. Des études ont démontré que les horaires atypiques peuvent engendrer des troubles cardio-vasculaires tels que l'hypertension artérielle et des maladies coronariennes. Les risques liés aux postures de travail et au stress peuvent contribuer à l'apparition de troubles musculo-squelettiques, notamment au niveau du cou et du dos.

Sous-déclaration des accidents

Une réalité préoccupante est le phénomène de sous-déclaration des accidents de travail chez les caméramans-reporters. Les caméramans-reporters sont souvent des travailleurs pigistes, ce qui peut dissuader certains d'entre eux de signaler des accidents par crainte de perdre des opportunités de travail.

Un métier exigeant sur le plan psychologique

Le métier de caméraman-reporter peut être mentalement éprouvant en raison d'une augmentation constante des demandes, de changements technologiques, d'une charge de travail élevée, de stress lié à la couverture d'événements critiques, de pressions contradictoires, et d'un manque de repos adéquat. Les répercussions psychologiques et physiques peuvent être graves, incluant la dépression, l'épuisement professionnel, les troubles du sommeil, et bien plus encore.

En conclusion, le métier de caméraman-reporter dans les événements au jour-le-jour, bien que moins médiatisé que les situations de conflits, est un métier exigeant physiquement et mentalement. Les caméramans-reporters sont exposés à de multiples risques pour leur santé, ce qui souligne l'importance de reconnaître leurs besoins en matière de soins de santé, notamment l'ostéopathie, pour les aider à faire face aux conséquences de leurs conditions de travail difficiles. 

*Dans un prochain article, nous expliquerons comment l'ostéopathe peut prendre en charge les caméramans et aussi d'autres quarts de métiers qui mettent le système musculo-squelettique à rude épreuve. 



Bibliographie

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